Entre conflit ouvert et processus de paix : Le rôle des Eglises dans la reconstruction d’une société divisée

Documentation d’un séminaire avec des artisans de paix originaires des Balkans

Introduction

Depuis plus de dix ans, des membres du réseau de Church & Peace ont des partenaires dans les différents pays des Balkans en crise. Les services rendus là-bas vont de l'aide humanitaire à la médiation en passant par l'accueil de réfugiés, la création d'emplois, la formation à la résolution non-violente des conflits, l‘accompagnement des per-sonnes traumatisées et la reconstruction. Au fil des ans, des liens de travail et d'amitié se sont tissés par delà les frontières, sans aucun respect pour les lignes de démarcation acceptées par l'opinion et les gouvernements.

Il semblait logique, après ces dix années, de renforcer ces liens par une rencontre qui soit l'occasion de se (re)trouver, de souffler, de faire le point et d'envisager ensemble l'avenir du travail pour la paix. Pendant près d'une semaine une telle rencontre a eu lieu à Elspeet - Pays -Bas (du 24 au 29 avril 2001). Rencontre en deux temps: un séminaire restreint de trois jours puis une conférence internationale regroupant les membres et amis du réseau venus de toute l'Europe. Ce livret essaie de se faire l’écho de la première rencontre et des réac-tions qu’elle a suscitées - sur place et dans les semaines qui suivirent.

Quatorze participants venus de Croatie, Bosnie, Serbie, Voivodina, Kosovo/a, Macédoine, issus de tous les horizons dénominationnels et exerçant les professions les plus diverses, ont répondu à l’invita-tion de Church & Peace. Un nombre équivalent de personnes - membres de l’équipe et membres du réseau de Church & Peace - étaient venues de France, d’Allemagne, de Suisse et des Pays-Bas. Pour certains des participants, c’était la première fois depuis dix ans qu’ils rencontraient des ressortissants de pays ennemis, et le dialogue ne s’est pas instauré immédiatement. Que ce soit pendant les séances de la rencontre ou en dehors du programme officiel, il a fallu du temps pour que l’atmosphère se détende.

Le contenu de ce livret illustre les étapes de ce séminaire:

• Première étape: l’analyse historique de la crise yougoslave présentée par le pasteur baptiste Aleksandar Birvis, de Belgrade. Cette analyse s’est heurtée à de lourdes critiques. Pour le seul participant orthodoxe, elle attaque son Eglise et ignore les souffrances de celle-ci. Le participant bosniaque, de l’Eglise méthodiste unie, estime qu’elle révèle une peur injustifiée de l’Islam et aborde la crise Yougoslave comme un conflit à caractère interne et non comme une guerre d’agression contre des pays ayant choisi de devenir indépendants. Partant de son expérience à Sarajevo et à Mostar, il ne partage pas l’opinion d’Aleksandar Birvis concernant le séparatisme et rejette l’idée que les habitants des Balkans semblent toujours prêts à s’inventer des ennemis. Les participants de l’Ouest, eux, mettent en question l’affirmation que ce qu’Aleksandar Birvis appelle "mentalité byzantine" soit une spécialité yougoslave, car elle ressemble fort à la mentalité de bien des responsables politiques dans les démocraties occidentales... Les débats autour de ces questions sont très vifs, parfois houleux, mettant en évidence la complexité des problèmes abordés, révélant des émotions profondes. On assiste parfois à des réactions en chaine: la critique de l’Eglise officielle suscite la protestation du participant orthodoxe; celui-ci évoque l’histoire du peuple serbo-orthodoxe en mettant l’accent sur les souffrances et pertes subies depuis des siècles; à son tour la participante albanaise du Kosovo évoque la souffrance de ses compatriotes...

Les discussions concernant l’Eglise n’ont pas été moins passionnées. Elles se sont concentrées sur la place qu‘occupent les Eglises évangéliques dans le contexte des Balkans. Sont-elles facteurs d’unité - puisqu‘elles accueillent en leur sein des personnes d‘origines les plus diverses et puisque leurs oeuvres viennent au secours de tous sans distinction d’origine religieuse ou nationale? Ou sont-elles un facteur de division supplémentaire dans une société où l’on se méfie du pluralisme ? Là aussi, les sentiments divergent: Le baptiste serbe et le pentecôtiste macédonien souffrent du rejet et de l'ostracisme dont les Eglises protestantes sont l'objet de la part de la majorité de tradition orthodoxe. Le méthodiste bosniaque, confiant, considère que les Eglises protestantes doivent et peuvent trouver leur place dans la société des Balkans. Le débat reste ouvert et devrait se poursuivre. Ce qui a été dit à Elspeet a montré cepen-dant qu’il s’agit d’un sujet délicat, qu’il convient d’aborder avec beaucoup de sensibilité.

• Deuxième étape: Joe Campbell, médiateur d’Irlande du Nord, a incité ses auditeurs à porter un regard nouveau sur les conflits inter-ethniques et inter-religieux. Il a évoqué les démarches accomplies dans son pays, les conditions requises pour le travail de réconciliation, et la contribution des Eglises au processus de paix.

Tout ce qu'il a présenté ne peut pas être transposé directement à la situation des Balkans, mais son discours a rendu attentif à des vérités essentielles, fruits de l'expérience, porteuses d'espérance et d’encouragement. Les impulsions apportées par Joe Campbell sont un défi, adressé en particulier aux Eglises : elles forcent à regarder en avant, à se montrer imaginatif, à s’engager. Son plaidoyer contre la routine, l‘apathie, l’apitoiement sur soi-même passe, il touche ses auditeurs. Les trente années de pratique au service de la paix et de la réconciliation qui transparaissent au fil des exemples rendent son témoignage convainquant.

Matin et soir des temps de prière ont apporté un approfondissement spirituel, invitant les participants à retrouver le fondement sur lequel ils se rejoignent. Dans ce fasicule vous trouverez des extraits du petit manuel liturgique préparé par Sr. Irmtraud de la Communauté de Grandchamp, échos des temps de prière vécus pendant le séminaire.

Peut-on évaluer la portée d‘un tel séminaire ? Quelques participants des Balkans ont formulé leurs impressions:

"J’ai pris conscience, lors de cette rencontre, du fait que nous ne nous connaissons pas vraiment - ce que nous faisons, ce que nous croyons est étranger à l’autre. C’est pourquoi nous sommes ennemis. Pour que cesse le conflit il faut être prêt à se parler, à se faire confiance, à s’apprécier et à s’aimer... Il faut soutenir les gens et les encourager à oser se rapprocher, à mieux se comprendre et à vivre avec les différences..."

"Le séminaire et la conférence m’ont donné la possibilité de prendre un certain recul pendant quelques jours par rapport à mon engagement, ils m’ont donné accès à des formes nouvelles d’engagement et m’ont fait connaître de nouvelles personnes. Ils ont confirmé en moi le sentiment d’appartenir à un réseau de personnes qui travaillent à la construction de la paix."

"Une chose est apparue clairement pendant le séminaire: l’Esprit de Dieu nous a conduits. Nous avons pu nous écouter et nous exprimer. Cette expérience nous a permis de prendre part à la vie les uns des autres. Bien que l’avenir nous réserve de grands défis et beaucoup de tâches difficiles, il fait encore jour et nous avons tant de possibilités d’apporter les valeurs chrétiennes dans notre monde d’aujourd’hui (...) Nous - les participants des Balkans- avons passé de bons moments avec vous, mais le plus impor-tant est que nous avons eu des contacts entre nous. Nous avons été en mesure d’investir du temps les uns avec les autres dans le cadre que vous nous avez offert. C’est précisément dans ce domaine que nous avons besoin de l’aide des chrétiens occidentaux. Votre propre soif de renouvellement spirituel pour vos Eglises nous a aussi fait du bien. Je crois que cette rencontre nous aura donné une orientation plus claire concernant le travail à venir et l’engagement de l’Eglise pour la paix et la réconciliation dans les Balkans. La semence a été plantée dans nos coeurs. "

Les organisateurs et les participants occidentaux ont un regard un peu différent sur l’expérience vécue lors de ce séminaire :

Certains déplorent que la question de l’offensive de l’Otan en 1999 n’ait pas été discutée même si elle a été évoquée lors de la séance de présentations. " Nous les occidentaux, aurions dû insister pour que le thème soit abordé. Certains participants serbes ont déclaré qu’ils ne voulaient pas en parler. Mais dans toutes les nouvelles de Serbie que je reçois, la guerre de l’Otan est mentionnée avec insistance. J’ai le sentiment que nous avons manqué une occasion. On ne peut parler de réconciliation que si on a nommé et reconnu le conflit."

On peut regretter aussi que les défis que représente le conflit des Balkans par rapport à notre théologie n’aient été abordés que superficiellement. Là aussi, un travail plus sérieux reste à accomplir .

Enfin, le séminaire s’est terminé sans qu’on soit parvenu à "boucler la boucle", à tirer des conclusions, ce qui a laissé certains sur leur faim...

Dans l’ensemble cependant, c’est un sentiment de profonde reconnais-sance qui domine :

Il y a la joie et la reconnaissance d’avoir pu réunir des personnes venant effectivement de tous les pays touchés par la crise depuis 10 ans et de toutes les confessions chrétiennes -même si un seul participant orthodoxe avait répondu à l’invitation et une seule personne représentait les Albanais du Kosovo.

Il y a aussi la joie d’avoir été témoin d’un processus difficile mais fructueux entre les hôtes des Balkans. On peut espérer la poursuite de ce processus qui s’est concrétisé déjà sur place : des contacts entre les représentants baptistes de l’oeuvre d’entraide "Bread of Life" (Belgrade) et le prêtre orthodoxe serbe devraient aboutir à des projets humanitaires concrets. L’expérience logistique de "Bread of Life" a été également offerte aux participants macédoniens, pour ne citer que deux exemples.

Il y a eu, enfin, pendant tout le séminaire puis pendant la conférence, la joie d’entendre une voix moins audible que les autres : celle de Bukurija. Bukurija est une femme pasteur albanaise du Kosovo/a. En 1999, elle a eu la conviction que Dieu lui demandait de rester dans son pays et d‘intercéder dans la prière alors que tout le monde fuyait. Fragile physiquement, de petite taille, elle est arrivée très fatiguée au séminaire. Parlant l’anglais avec difficulté, elle a dû se débattre pour comprendre les interventions et les discussions. Pourtant, elle a pleinement participé à la rencontre, et prononcé des paroles de réconciliation - en public et en privé- aux moments les plus cruciaux: après avoir entendu le récit du participant orthodoxe sur les souffrances de son peuple elle a évoqué, elle aussi, les souffrances du sien, mais elle a affirmé dans le même souffle que Dieu l‘aide à pardonner. Lors d’un culte quaker célébré pendant la conférence internationale, elle a chuchoté à son voisin qu’elle souhaitait demander pardon aux Serbes pour les souffrances que son peuple leur a infligé. Lors de la célébration finale, au moment de la Sainte Cène, elle était entourée de participants serbes, et un participant allemand lui demanda "comment te sens-tu ici ?" Elle a répondu: "le corps du Christ n’est pas divisé".

Si cette phrase est vraie pour tous les participants au séminaire, alors nous pouvons considérer que celui-ci a été un succès...

Marie-Noëlle von der Recke

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Espérance

Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre, car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n’était plus. Et je vis descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, prête comme une épouse qui s’est parée pour son époux. J’entendis du trône une forte voix qui disait : ”Voici le tabernacle de Dieu avec les humains. Il habitera avec eux, ils seront mon peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses auront disparu.” (Apoc 21/1-5)

Des commentaires bibliques récents comme celui de Pablo Richard expliquent que la vision de la nouvelle Jérusalem qui descend du Ciel, ne correspond pas à un événement lointain qui se produira après la fin du monde tel que nous le connaissons. Elle montre plutôt que lorsque nous sommes au bout de nos ressources, Dieu nous offre une voie nouvelle : c’est du Ciel, donc de Dieu, que viendra une ville ouverte à tous et dans laquelle tous peuvent vivre en paix. C’est pourquoi on peut considérer le livre de l’apocalypse comme une invitation à la résistance et à l’espérance aujourd’hui.

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Un point de vue sur les conflits en ex-Yougoslavie

Aleksandar Birvis

Introduction

C’est par choix que je vis dans les Balkans. Bien que je sois né ici, j’aurais pu profiter de mon nom allemand pour quitter le pays à tout moment, surtout en 1955, alors que j’étais jeune, et que j’avais un passeport -- auquel les autres n’avaient pas droit-- qui m’ouvrait toutes grandes les portes de l’occident.

Plus tard, lorsque que je me suis marié, mon épouse qui était à moitié allemande reçut elle aussi un passeport, et même une offre d’emploi en Autriche. Nous aurions pu vivre avec notre parentée à Graz ou en Styrie, et regarder de loin la Yougoslavie. Nous aurions ainsi pu passer la plus grande partie du XXe siècle loin de Tito, Milosevic et autres dictateurs connus ou inconnus...

Pourquoi avons-nous choisi de rester dans ce pays ? Certainement pas par patriotisme. J’ai compris très tôt que les gouvernements des pays des Balkans, et leurs administrations, étaient incapables de protéger leurs citoyens et d’assurer leur bien-être. Il se comportaient plutôt comme des machines bien huilées destinées à leur usage personnel, engendrant la misère quotidienne pour la population et lui préparant un avenir sans perspective et sans espérance.

Je ne me sentais pas concerné par les questions économiques. J’étais né et j’avais grandi dans la ville de Nis où je menais une vie relativement facile. J’avais même du travail. Il règnait une atmosphère de tolérance. On ne posait pas de questions quant à la foi ou la nationalité. Ce n’était un handicap ni dans le domaine de la formation, ni dans le domaine du travail, ni dans le domaine des amitiés. Chacun pouvait avancer selon ses propres capacités ou ses possibilités.

Mes parents non plus ne m’imposèrent rien. Le travail et l’école m’absorbaient et je devins indépendant tout en vivant à la maison. J’essayais de bien m’entendre avec mes parents, qui comprenaient que mes pensées et mes décisions évoluaient indépendamment d’eux. Je suis sûr qu’ils n’étaient pas d’accord avec tout ce que je faisais, mais c’était le temps du stalinisme et du titoïsme, une époque où d’autres enfants agissaient tout-à-fait contre la volonté de leurs parents. Mes parents étaient contents de voir qu’au moins, j’étais engagé.

Causes des conflits dans les Balkans

• Absence de l’Evangile

Tout d’abord, si je suis resté en Yougoslavie, c’est parceque les Balkans sont privés de l’Evangile. Il n’y a qu’une Eglise, l’Eglise “officielle”. Celle-ci se considère comme un instrument de préservation de la nation : de l’identité nationale, de l’intégrité territoriale et ethnique, de la tradition (historique, culturelle et archéologique) et de la puissance militaire. Tout ce que fait cette Eglise doit être en accord avec ces objectifs. Non seulement chacun est prêt à sacrifier sa vie pour la nation, mais souffrir et mourir pour elle sont synonymes de souffrir pour sa foi.

Ceci était pour moi un défi avant même que je ne me convertisse. Lors de mon dixième anniversaire je découvris le Nouveau -Testament et les psaumes. J’ai passé deux années à errer en direction de l’athéisme et de l’agnosticisme, mais Dieu préserva en moi une étincelle de lumière évangélique : je sentais que le peuple des Balkans avait besoin de l’Evangile et que je pourrais contribuer à le faire connaître. Ceci devint une certitude après ma conversion en 1947.

• Absence de réforme spirituelle

La seconde raison pour laquelle je suis resté découle de la première: il n’y a jamais eu de réforme spirituelle dans les Balkans - ni d’autre réforme d’ailleurs. L’influence de la Réforme n’est pas arrivée jusqu’ici. Les Eglises d’Orient considèrent des mouvements comme ceux de Wycliff, Jean Hus, Zwingli, Calvin et d’autres, comme des signes de corruption du christianisme occidental. L’Eglise orientale considère comme un mérite spirituel le fait qu’elle n’ait pas changé depuis la période médiévale, exception faite des changements imposés de l’extérieur.

Ce contexte pose des problèmes bien particuliers à la communauté évangélique. Nous ne pouvons changer les lois. Nous sommes peu nombreux et nous avons peu d’influence sur la politique et sur les tendances de la société.

Que pouvons-nous faire ? Nous pouvons changer les gens; ou plutôt, amener les gens à Dieu, et c’est lui qui les change. L’Eglise officielle ne s’oc-cupe pas de cela. Pour elle, le meilleur chrétien est un moine ou une moniale. Mais même ceux qui font cette dé-marche doivent se soumettre aux intérêts de la nation et de la politique, ils se doivent de les protéger et même de faire la guerre en leur nom. Dans ce contexte, une personne changée est une personne qui meurt en se pliant à l’organisation, qui n’a aucun droit, qui ne peut prendre aucune décision personnelle ni remettre ses actes en question.

Nous répondons à ce défi par l’Eglise du Seigneur, par l’évangélisation, la prédication et le plus souvent par le témoignage personnel.

• Mythes historiques

La troisième cause des troubles réside dans la profusion des mythes historiques. Il y a une grande différence entre la réalité historique et le mythe. Dans certains cas le passé est évalué à partir d’événements qui ne se sont jamais produits. Ceci ne concerne pas seulement notre histoire médiévale; les événements des années 1941 à 1950 sont eux aussi présentés d’une manière tellement fantaisiste qu’il est difficile de savoir ce qui s’est vraiment passé (le premier manuel de sociologie pour les lycées, écrit d’un point de vue non-marxiste fut publié en mars 2001).

Cette création de mythes nous confronte à plusieurs défis. Nous devons lutter pour protéger nos jeunes de cette mythologie et de la mythomanie. Ceci est particulièrement important pour les croyants qui étudient les sciences sociales. Nous essayons de rendre attentif au besoin d’examiner soigneusement l’histoire et à la nécessité de tenir compte de la contri-bution des sciences sociales.

Pour résumer: J’ai mentionné les raisons pour lesquelles je suis resté dans les Balkans et les causes des troubles présents et passés (l’absence de l’évangile et des valeurs de la Réforme, les mythes historiques). Tout ceci suffirait à expliquer pourquoi, il existe dans les Balkans une conscience sociale latente qui crie vengeance. C’est pourquoi dans cette région les révoltes et les guerres éclatent au moment où qu’on s’y attend le moins.

La présence de l’Islam

Il y a en outre un aspect crucial pour la compréhension d’une telle situation, qui ne cesse d’engendrer de nouveaux mythes et de nouvelles haines: c’est la présence de l’Islam dans les Balkans.

Selon la loi internationale de l’Islam, les pays du monde sont répartis en deux catégories: dar-ul-Islam (les pays dans lesquels les musulmans ont le pouvoir même s’ils ne sont pas majoritaires) et dar-ul-harb (les pays où les musulmans ne sont pas au pouvoir et qui donc recèlent un potentiel de guerres dans le but d’établir un gouvernement islamique). C’est en se fondant sur de tels principes que les Turcs ottomans sont venus dans les Balkans. Mais des insurrections des populations locales et l’intervention de la Grande Bretagne et de la Russie les ont obligés à renoncer à des territoires (jusqu’à Istambul). L’empire ottoman s’est désintégré après la première guerre mondiale. Depuis 1928, c’est une république laïque, mais les positions pan-islamiques et pan-turques n’ont pas été abandonnées. Le désir de rétablir une autorité et une domination (ou tout au moins un contrôle) est toujours présent dans la mentalité des musulmans des Balkans. Dans le monde d’aujourd’hui, l’Islam est souvent considéré comme générant le terrorisme et la révolte. Dans les pays démocratiques, les musulmans tirent avantage de leur grand nombre et agissent dans le secret; dans les régimes dictatoriaux, ils cherchent à tirer profit des dissensions. Chez les musulmans, tout nationalisme doit être soumis à l’Islam alors que l’Europe chrétienne se détruit en inventant des formes nouvelles de nationalisme. Ceci est particulièrement vrai dans la Péninsule des Balkans.

La mentalité byzantine

Les opinions et les actes d’aujourd’hui émanent des mythes historiques et de l’histoire elle-même. L’attitude dominante parmi les politiciens et les intellectuels, ainsi que parmi la population est ce que j’appelle la mentalité bizantine : aucune opposition n’est tolérée, c’est le gouvernement qui décide de ce qu’il est permis de penser et de croire et la faute est toujours celle des autres.

Ni l’Eglise orthodoxe, ni l’Islam ni l’Eglise catholique romaine ne tolèrent l’opposition. Il en est de même dans le monde politique. Même avant 1941, il n’existait pas d’associations; les partis politiques ont obtenu le droit d’exister en 1990, mais seulement à l’ombre du talentueux Tito. Depuis octobre 2000, une opposition démocratique est à la tête du gouvernement de Yougoslavie mais elle n’est unie que dans sa détermination à faire disparaître l’ancien régime (Milosevic et ses collaborateurs). Tout le reste est triste et ridicule; les propositions de changements ne sont pas toujours aussi claires qu’on le souhaiterait à l’étranger.

Quant au Monténégro, il offre de lui-même une image quasiment caricaturale. Le séparatisme a toujours été présent dans les Balkans. Byzance s’est séparée du grand empire romain, les petits territoires tribaux des Slaves des Balkans se sont séparés de Bizance. Les Grecs se sont divisés entre eux. Les tribus albanaises se sont séparées de Bizance et plus tard du royaume serbe (après sa désintégration en 1371). Pendant le XIXe et le XXe siècle, les Serbes, les Croates, les Bulgares, les Grecs, les Hongrois, les Albanais et les Bosniaques se séparèrent du royaume ottoman et de la monarchie austro-hongroise. Tito créa la Macédoine, la Bosnie, un Kosovo séparé, et la Voïvodine.

Le séparatisme comme mode de pensée est ancré dans l’Eglise officielle. Il est opposé à l’universalisme, attaché à la nation et exige la séparation d’avec les autres peuples sur la base de critères nationaux et ethniques. C’est pourquoi l’Eglise macédonienne fut créée, par volonté de défier l’Eglise orthodoxe serbe. Pour les mêmes raisons aujourd’hui, les politiciens ont créé une Eglise orthodoxe monténégrine. La tendance au séparatisme est si forte que les musulmans de Bosnie, d’Herzégovine et d’une partie de la Serbie occidentale ne veulent pas collaborer avec les musulmans du reste du monde dans le Centre islamique de Bruxelles et insistent pour avoir leur propre maison de prière.

Dans les pays d’ex Yougoslavie et en Albanie, la majorité de la population ne croit pas que l’autorité vienne de Dieu ; ils croient plutôt - peut-être inconsciemment - que les autorités remplacent Dieu. Dans la vie quotidienne, cela signifie que le parti au pouvoir décide ce que chacun doit croire et penser et comment il doit se comporter et se conformer.

La perception de l’ennemi

Dans les Balkans les gouvernements ont leur propre image du monde. Peu importe la réalité ou la vérité, leur point de vue est imposé par les média et le système éducatif. Dans cette image qu’ils se font du monde, tout ce qu’il contient est politisé et divisé entre ceux qui sont pour leur vision des choses et ceux qui sont contre. C’est pourquoi ils sont toujours à l’affût d’un ennemi. L’ennemi est quiconque ne pense pas et ne croit pas de la même manière qu’eux. C’est pour ces raisons que les chrétiens évangéliques ont été persécutés depuis des années. L’Eglise officielle considère les églises évangéliques comme des sectes. Les théologiens de l’Eglise officielle savent qui sont les baptistes (certains de leurs évêques sont mes collègues à la faculté de théologie). Pourtant ils voient en nous une secte. Quoi que nous fassions, nous avons tort : si nous n’allons pas à l’armée, on nous accuse de saper le service national, mais si nous y allons, on nous accuse de nous y infiltrer pour espionner, de représenter un danger interne, d’être des ennemis déguisés etc...

Les peuples des Balkans passent leur temps et leur énergie à se trouver et à s’inventer des ennemis. Cette tendance porte non seulement sur l’histoire passée et les mythes que j’ai mentionnés, mais elle porte aussi sur les individus, les institutions et les communautés. Ainsi à une certaine époque en Serbie, l’Académie des Sciences et des Arts était considérée comme un ennemi déclaré. Pour beaucoup de gens, l’ennemi était au numéro 7 de la rue Frankuska, siège de l’Association des Ecrivains serbes. Au Monténégro, nombreux sont ceux qui considèrent le diocèse du Métropolitecomme l’ennemi, et en Macédoine c’est l’université albanaise illégale de Tétovo.

Rien d’étonnant à ce que pour la Serbie, la Bosnie et la Croatie les ennemis soient l’Union Européenne, le Fonds Monétaire International, le Conseil de Sécurité des Nations Unies , la Société ouverte de la fondation Sores et d’autres comme la Société Biblique Internationale et même nos propres associations humanitaires “Bread of Life”, “Tabitha” et “Aimez votre Prochain”.

Regard vers l’avenir

Que pouvons-nous faire aujourd’hui, et dans l’avenir ?

Tout d’abord, croire aux promesses de Dieu. en voici une tirée de l’Ancien Testament et une tirée du Nouveau Testament.

* “Si tu passes à travers les eaux, je serai avec toi, à travers les fleuves, ils ne te submergeront pas. Si tu marches au milieu du feu, tu ne seras pas brûlé et la flamme ne te calcinera plus en plein milieu...” (Esaïe 43:2)

* “Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps.”(Matthieu 28:20).

Notre foi nous distingue de la majorité, qui a oublié les promesses de Dieu. C’est par notre foi que nous avons de l’influence sur notre entourage, que nous sommes libérés du pessimisme ou d’un faux optimisme, de la confiance en la puissance et en l’habileté humaines. C’est aussi par la foi que nous pouvons détruire l’hostilité et les mythes.

Ensuite, il nous faut aider tous ceux qui font connaître les Ecritures. Il n’est pas nécessaire de créer de nouvelles organisations. Il suffit de s’engager dans celles qui existent déjà: la Société Biblique, la Ligue pour la Lecture de la Bible, une Bible pour Chaque Maison etc... Les Eglises et les associations devront faire face à l’opposition de la part de l’Eglise “officielle” mais cela ne signifie pas que les citoyens ne voudront pas recevoir de Bible.

Il nous faut aussi prier:

- pour pouvoir vaincre les conflits chaque fois qu’ils apparaissent, où que ce soit;

- pour pouvoir faire la volonté de Dieu, non seulement dans la vie quotidienne mais aussi dans les circonstances de crise et de conflit;

- pour des activités spécifiques qui incluent l’ensemble des chrétiens évangéliques;

- pour une compréhension de l’Ecriture et de la volonté de Dieu plus appropriée et plus pertinente;

- pour des responsables capables de guider le peuple honnêtement, avec amour et compétence;

- pour que disparaissent les préjugés, les mythes, les mensonges, les émotions destructrices et les intérêts égoïstes.

Il faut que nous décidions de ne plus prêcher de façon modérée, indirecte et prudente. Notre voix doit être sincère. La vérité peut prendre beaucoup de colorations, mais elle n’est jamais grise. Le gris est la couleur de l’ambiguité. Il n’y a ni vérité ni mensonge dans les prises de position vagues. La vie dans les Balkans est pleine de contradictions. L’Eglise orthodoxe nous dit que notre vie est mystique, et même mytérieuse, mais en réalité, elle n’est que compliquée. Il se peut que notre devoir consiste à la simplifier, mais nous devons la présenter avec les couleurs avec lesquelles nous l’avons reçue. Il se peut que notre discours public ne soit pas toujours agréable, mais il sera facteur de guérison. Il doit être sain, sinon nous ferions mieux de nous abstenir de prêcher.

Dans tous les autres aspects de la vie nous devrions rechercher la simplicité. Si deux opinions théologiques sont également fondées du point de vue biblique, nous nous attacherons à celle qui est la plus simple. Si deux attitudes éthiques semblent toutes deux avoir un fondement biblique et philosophique, nous choisirons celle qui est la moins compliquée. Si deux solutions politiques présentent toutes deux la même valeur éthique, nous donnerons priorité à la plus directe.

Soyons cependant conscients que notre sens de la simplicité dépend souvent de nos préférences personnelles et de nos expériences antérieures. Notre logique est subjective et susceptible d’erreurs. Il nous faut donc nous appuyer sur les expériences collectives pour éviter les positions extrêmes, rudimentaires et blessantes.

Nous ne devrions pas fermer les yeux sur le monde musulman. Dans les Balkans, ce sont les musulmans et les orthodoxes qui ont le plus souffert. Le silence concernant les souffrances subies par les musulmans est terrible.

Leurs actions politiques correspondent souvent au besoin de redresser des injustices subies, et au besoin de vengeance. La pensée musulmane peut parfois aller à l’encontre du droit fondamental à la liberté religieuse. Cependant, les croyances de l’Islam peuvent avoir de graves conséquences, puisque, selon la Sharia, quitter l’Islam est passible de la peine capitale. Il faut donc protéger tous ceux qui ont quitté l’Islam.

Aussi, les chrétiens évangéliques doivent apprendre à comprendre et à connaître les musulmans et gagner leur amitié. Il s’agit d’une tâche énorme et délicate. Il n’y a pas de réponses toutes faites, Mais il faut chercher des solutions sans tarder, dans l’interêt de l’Evangile.

Conclusion

La Péninsule des Balkans est en crise. Les causes de cette crise sont multiples. Les politiciens parlent haut et fort mais -- hélas! --ni eux, ni leurs prêtres ne comprennent, ou ne veulent comprendre, que les causes des problèmes auxquels nous sommes confrontés sont d’ordre spirituel. L’aveuglement concernant ces facteurs spirituels est la cause des troubles, et j’ai essayé de démontrer les conséquences néfastes de cet état de faits.

Je ne peux rien dire de la situation actuelle sur le terrain. C’est impossible parce que tout change si rapidement. La situation est incontrôlable. Nous souhaitons la stabilité, mais celle-ci ne se réalisera que lorsque tous les partis en présence admettront que tout les êtres humains et leur vie quotidienne dépendent de Celui dont la main dirige toute chose.

Je souhaite que, de même que les chrétiens évangéliques ont contribué à soulager les détresses matérielles, ils soient en mesure de contribuer également à soulager la détresse spirituelle. Que “Bread of Life”( le Pain de Vie) soit à la fois pain et vie !

Traduit du serbe par Sladjana Duljic et Strahinja Lukic, avec l’aide de Holly Carden. Traduction de l’anglais : Marie-Noëlle von der Recke

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Guérison

L’Eternel apparut à Abraham aux chênes de Mamré, tandis qu’il était assis à l’entrée de sa tente, pendant la chaleur du jour. Il leva les yeux et regarda : trois hommes étaient debout près de lui. Quand il les vit, il courut à leur rencontre, depuis l’entrée de sa tente, se prosterna à terre et dit : “Seigneur, si je peux obernir cette faveur de ta part, ne passe pas, je te prie, loin de ton serviteur”. (Gen 18/1-3)

S’inspirant du récit de Genèse 18, Andrei Roublev a peint l’icône de la Sainte Trinité à la fin du XIVème siècle en Russie à l’époque des invasions mongoles. Rublev avait vu de ses propres yeux des villages ravagés par la guerre, des maisons détruites, des églises en ruine, des morts, des blessés, des hommes, des femmes et des enfants dans l’angoisse et la souffrance. Il connaissait la famine et les épidémies, la fuite à la suite des guerres et des divisions. Il connaissait aussi les conflits intérieurs.

Comment a-t-il pu peindre une icône reflétant une telle harmonie après avoir été témoin de toutes ces souffrances ? Une icône qui montre des mains qui bénissent et qui donnent, des yeux qui rayonnent la paix ?

Le peintre a certainement séché des larmes et pansé des blessures de ses propres mains. Dans ces visages souffrants il a vu le visage de Dieu le Père et du Fils; il a rencontré l’amour et la compassion de Dieu au travers des enfants de Dieu avec lesquels il entra en contact.

Ainsi Rublev fut-il capable de peindre une icône qui communique quelque-chose de la paix, de la consolation, de la puissance guérissante de Dieu à ceux qui s’ouvrent au message de l’icône et qui prient Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit. L’icône nous invite à nous agenouiller nous-mêmes à la place vide devant l’autel, en présence de l’agneau, protégés par Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, à revivre et à dépasser nos propres souffran-ces et celles de ceux qui nous sont confiés. Ainsi, nous joignant à la prière de Jésus pour ses bourreaux, nous recevrons nous aussi la paix et entrerons dans un cheminement de guérison pour retrouver notre harmonie intérieure.

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Entre conflit ouvert et processus de paix - Réflexion à partir de l’experience en Irlande du Nord

Joe Campbell

Balkans, Irlande du Nord - ressemblances, différences...

Je ne suis ni universitaire, ni professeur, ni pasteur. Je viens avec le désir d’apprendre de vous et avec vous. Il y a un dicton en Irlande du Nord qui dit : “si tu comprends le problème irlandais c’est que tu ne le connais pas”. Un livre a même pour titre : “un problème pour chaque solution”. Il existe des ressemblances et des différences entre le conflit de l’Irlande du Nord et celui des Balkans. La différence la plus évidente est que l’Irlande du Nord est beaucoup plus petite; cependant, les mécanismes du conflit qui la déchire sont bien ceux d’un conflit ethnique.

Les motifs d’une vocation

En 1894, une femme est venue habiter à Holywood, près de Belfast, pour y chercher du travail. Elle s’y maria et eut onze enfants. Les parents de ces enfants -mes grand-parents- élevèrent leurs 6 filles dans la foi protes-tante -qui était la confession de leur père- et leurs 5 fils dans la foi catholique -qui était la confession de leur mère. J’ai grandi dans cette famille marquée par la diversité. Dieu imprima ainsi son sceau sur ce que je fais aujourd’hui. Je travaille dans le domaine de la médiation politique et sociale. Cela m’a aidé dans mon travail d’être plus qu’un simple protes-tant, et d’avoir assez de place dans mon esprit et dans mon coeur pour inclure aussi les catholiques. Je fais ce travail pour rendre hommage à mes grands-parents qui ont eu le courage de se lancer dans un mariage mixte; je le fais aussi pour mes parents et pour mes enfants. Pour moi, ce travail n’est pas un simple métier, c’est une vocation.

Je crois que les gens changent -c’est pour cela que nous avons des Eglises; c’est pour cela que nous avons des écoles. Il n’y a donc pas de conflit insoluble. En Irlande du Nord il y a eu 26 ans de guerre et 6 ans de paix. La paix est encore fragile, elle risque d’être rompue à tout moment. Le temps qu’il faut pour construire la paix est aussi long que le conflit l’a été. S’il y a eu 30 ans de conflit, il faudra au moins 30 ans de travail pour construire la paix. Les artisans de paix doivent être capables de subir des échecs et des découragements et de continuer malgré tout.

L’Irlande du Nord entre conflit ouvert et processus de paix

En Irlande du Nord les sujets de litige sont les drapeaux, la langue, les questions de territoire et de culture. Notre gouvernement actuel se compose de personnes qui étaient autrefois des ennemis jurés (exemple : le ministre de l’éducation actuel est un ancien chef de l’IRA). L’accord conclu il y a trois ans -un Vendredi Saint- ne parle pas de gagnants et de perdants; personne n’a dû prendre sur lui la faute pour ce qui s’est passé les années précédentes. Beaucoup ont payé le prix de la paix. Il y a même des gens qui n’ont pas de tombe à visiter. 3300 personnes sont mortes dans un pays qui en compte un million et demi. Cela signifie que tout le monde connait au moins une personne qui a été tuée ou gravement blessée. Il va falloir des années pour parcourir le chemin du conflit à l’har-monie et la petitesse du pays rend la tâche particulièrement difficile (il y a par exemple d’anciens prisonniers qui vivent dans de petites villes et villages au milieu des parents et amis de ceux qu’ils ont tués).

Habituellement les conflits ethniques se manifestent dans trois domaines de la société : qui contrôle la police et la sécurité, qui contrôle l’éducation et qui contrôle la culture, quels drapeaux flottent, quelle musique est écoutée et quels sports sont pratiqués.

Le travail pour la paix se joue à tous les niveau de la société

L’idée selon laquelle les politiciens et les responsables au niveau muni-cipal concluent des accords et disent aux autres ce qu’ils ont à faire ne fonctionne pas dans le contexte d’un conflit ethnique. Ce sont les expériences locales (pacifiques ou violentes) dans un lieu donné qui déterminent les réalités locales. La paix, doit se construire au niveau de la base, à mi-hauteur de la pyramide et au niveau le plus élevé de la société. Il me semble que les participants à ce sémi-naire -des personnes qui ont fait des études, qui sont engagées et appar-tiennent à la classe moyenne- se situent à mi-hauteur. Ils ont un rôle crucial à jouer car ils ont accès à la fois à la base et au niveau le plus élevé.

Les minorités dans la société

J’aimerais faire une observation au sujet des minorités et des majorités dans la société. En Irlande, il y a une proportion à peu près égale de protestants et de catholiques. Il existe beaucoup d’autres sociétés divisées dans le monde, mais lorsque la minorité est plus petite, on n’est pas forcé d’en tenir compte. Par exemple au Canada les Indiens ne représentent que 2% de la population totale; c’est une proportion tellement infime qu‘on peut les ignorer; ils ne représentent pas une menace pour la majorité. En Nouvelle Zélande, les Maoris qui représentent 3 ou 4% de la population peuvent aussi être considérés comme quantité négligeable. Eux non-plus ne représentent pas de menace pour la stabilité de la société. On constate que les minorités peuvent être maintenues en marge de la société mais que lorsqu’une minorité a dépassé les 20% de la popu-lation totale, il est impossible de continuer à la mettre de côté. C’est ce qui rend la situation si délicate dans certains états des Balkans et en Irlande du Nord. La majorité ne peut vaincre la minorité sans s’infliger à elle-même de graves dommages.

L’engagement pour la paix : un travail “extraordinaire” qui a un prix

Travailler à la construction de la paix dans une société divisée est une activité extraordinaire. Nous ne devrions pas faire de reproches à ceux qui -dans l’Eglise ou en dehors de l’Eglise- ne s’engagent pas. L’une des choses les plus étonnantes en Irlande du Nord pendant la période la pire des troubles était le fait que la vie continuait normalement. Les femmes emmenaient leurs enfants à l’école. Les hommes allaient au travail. Les hôpitaux et les paroisses continuaient à fonctionner. La vie continuait et c’était très important. C’est pourquoi je ne critique jamais les personnes qui ne s’engagent pas dans le processus de paix; le citoyen moyen est une personne ordinaire qui fait des choses ordinaires. Travailler à la paix est quelque-chose d’extraordinaire, cela demande des efforts hors du commun et peut-être n’est-ce réservé qu’à quelques uns.

Il y a 4 ou 5 ans je faisais de la médiation dans le contexte d’un conflit public, explosif et dont l’enjeu, très important, concernait plusieurs milliers de personnes. Nous avons réussi à obtenir un accord entre les parties en conflit et les violences furent évitées. Tout ceci arriva à un moment critique du processus de paix et nous aurions pu basculer à nouveau dans le cycle de la violence. D’habitude, les médiateurs évitent d’être à la Une des journaux mais cette fois-là, l’un des journaux qui couvraient le conflit apprit qui avait fait la médiation et imprima le nom des médiateurs et leur photo. J’ai reçu des appels téléphoniques de toute l’Irlande, de Grande Bretagne et du reste de l ’Europe, chacun voulait me remercier pour mon travail, mais dans ma propre Eglise, ce fut le silence presque complet. A l’époque, il y a cinq ans, la plupart des Eglises n’attachaient pas beaucoup d’importance au travail pour la paix. Si je vous raconte cela, c‘est pour montrer que le travail pour la paix exige beaucoup de celui qui s’y engage. Les artisans de paix ne devraient pas s’atten-dre à ce qu’on leur tape sur l’épaule et qu’on les remercie pour leur bon travail. En effet, un artisan de paix met très probablement en question des prises de position très ancrées dans les esprits.

Le travail pour la paix : une vocation de l’Eglise

Le travail pour la paix a son prix. Mais le peuple de Dieu devrait être prêt à payer le prix car notre nationalité et notre drapeau ne sont pas de ce monde. En tant qu’enfants de Dieu nous appartenons au Royaume de Dieu. Nous marchons d’un pas différent dans une direction différente et selon un rythme différent comme le dit l’apôtre Paul dans son épître aux Ephésiens (ch.2, verset 134ss) : “car il est notre paix. Il a en effet, instauré l’unité entre les juifs et les non-juifs et abattu le mur qui les séparait : en livrant son corps à la mort, il a annulé les effets de ce qui faisait d’eux des ennemis, c’est-à-dire de la loi de Moïse, dans ses commandements et dans ses règles. Il voulait ainsi créer une seule et nouvelle humanité, à partir du juif et du non-juif, qu’il a unis à lui-même, en établissant la paix. Il voulait ainsi les réconcilier les uns et les autres avec Dieu et les unir en un seul corps, en supprimant par sa mort sur la croix ce qui faisait d’eux des ennemis. Ainsi, il est venu annoncer la paix à vous qui étiez loin, et la paix à ceux qui étaient proches. Car grâce à lui, nous avons accès, les uns comme les autres, auprès du Père, par le même Esprit.”

Jésus nous a confié le ministère de la réconciliation. Je voudrais explorer ce que cela signifie dans le contexte d’une paroisse. Que signifie lire la Bible dans le contexte d’une société divisée ? Que signifie vivre en tant que Chrétien dans une société divisée ? Pour répondre à ces questions je voudrais examiner certaines conséquences de la violence en Irlande du Nord.

Les Eglises et la violence en Irlande du Nord

Premièrement, en Irlande, la religion est une composante historique du conflit. Les Eglises ont fait partie du problème et continuent d’une certaine manière à en faire partie. Cependant elles ont une contibution essentielle à apporter à sa résolution.

Deuxièmement, avant et pendant les troubles qui durent depuis 30 ans, nombreuses initiatives pour la paix et la réconciliation sont nées, dont une proportion considérable furent lancées et soutenues par des chrétiens qui cherchaient à être fidèles à l’appel de l’Evangile à s’engager pour la réconciliation. Malheureusement, trop souvent, ces personnes ont dû sortir de leur Eglise pour chercher ou créer les moyens de faire cela-même que leur souci de fidélité à Jésus-Christ leur dictait.

Troisièmement, il existe un nombre croissant d’initiatives en faveur de la réconciliation et de la paix conçues et mises sur pied dans et par les Eglises. En fait, il se passe beaucoup plus de choses dans ce domaine que jamais auparavant, et on est loin de se douter de la diversité de ces initiatives et de la richesse en imagination dont elles font preuve.

“Business as usual” ou actions exceptionnelles ?

En Irlande (après un attentat à la bombe) on peut voir dans la vitrine d’un magasin touché la pancarte suivante : “business as usual” (les affaires continuent). Il se peut que toutes les fenêtres du bâtiment aient été soufflées par l’explosion, qu’il n’y ait plus ni murs ni porte, mais on met quand-même les étalages dehors : “business as usual”.

Si l’Eglise veut s’engager en faveur de la paix, les choses sont différentes. On ne peut plus dire : “les affaires continuent”. Il faut faire plus. Mon expérience avec les Eglises protestantes et catholiques est qu’on peut leur faire confiance quand il s’agit de faire “tourner la boutique” comme d’habitude, mais qu’elles ont du mal à faire ce qui va au delà de la routine, ce qui demande du courage, et des actes hors du quotidien.

Pendant la période des troubles, lorsqu’il y avait des attentats à la bombe dans un village ou dans une ville, les journalistes venaient demander aux responsables des paroisses quelles causes ils attribuaient à ces événements. Souvent ceux-ci répon-daient qu’ils n’en savaient rien, qu’il y avait de très bonnes relations dans leur ville, que les gens s’entendaient très bien. Quand j’entendais cela, j’avais envie de crier que ces prêtres et pasteurs mentaient, parceque je savais -et ils le savaient aussi - que dans cette ville ou ce village les gens n’avaient de contact qu’avec une partie de la population, que leurs enfants fréquentaient des écoles séparées et qu’ils fréquentaient des églises séparées, je savais qu’il y avait des cafés protestants et des cafés catholiques, des activités sportives pro-testantes et des activités sportives catholiques. Dire qu’ils s‘entendaient bien était un mensonge. La vérité c’est qu’ils s’évitaient sans s’affronter ouvertement. Chacun vivait de son côté.

Initiatives prises par les Eglises en faveur de la paix

J’aimerais citer des exemples d’initiatives prises par les Eglises au cours des dernières années pour avancer sur le chemin de la paix.

1. Dans les paroisses et églises locales

• Des prières pour la paix, en particulier à certains moments cruciaux. Toutes les églises se réunissent pour des temps réservés à la prière commune

• Des sermons sur la paix, l’amour de l’ennemi, le deuxième mille, le pardon, la joue tendue. Bien que ces thèmes soient des thèmes centraux pour notre foi, nous n’en entendons pas souvent parler. C’est pourquoi le simple fait qu’un pasteur ou un prêtre prépare un sermon et prêche sur ce sujet est déjà un pas en avant.

• ECONI (“Evangelical Contribution On Northern Ireland”). Ce groupe est né en 1988 pour travailler au sein de la communauté des églises évangéliques. La question fondamentale posée par les membres de cet organisme était : si les chrétiens évangéliques sont fidèles à la Bible, que dit la Bible au sujet de l’amour de l’ennemi et du deuxième mille? Cette réfle-xion fut à l’origine de toute une série de séminaires, de recherches, de publications et de conférences, essentiellement dans les milieux évangéliques (11% de la population de l’Irlande du Nord). ECONI a acquis une influence importante et s’est attiré la critique de milieux plus fondamen-talistes. Mais être fidèle à l’Evangile peut vouloir dire s’attirer le feu des autres, même des plus proches- ce qui est particulièrement douloureux.

2. Jumelages

• Jumelage entre une paroisse catholique et une paroisse protestante. Il ne s’agit pas d’échanges au niveau théologique mais plutôt au niveau social, pour apprendre à connaître les gens de l’autre bord. Il existe plusieurs exemples de jumelage: visites. célébrations communes occasion-nelles, pique-niques en famille, discussions. On a ainsi l’occasion de mieux se connaitre et de faire disparaitre les mythes à propos des “autres”. On pourrait croire que dans un petit pays comme l’Irlande du Nord, tout le monde se connait. En réalité le contact est superficiel et nous ne savons pas ce qui se cache derrière les personnes et leur culture. Le modèle du jumelage permet de faire connaissance et permet un premier contact.

• Jumelage entre une paroisse catholique et une paroisse protestante allant au-delà d’une simple rencontre au niveau social. Des questions plus difficiles sont abordées, comme la violence et les préjugés. On s’ouvre les uns aux autres, on est honnête les uns vis à vis des autres; les jeunes se mettent à correspondre les uns avec les autres.

• Jumelage entre une paroisse d’un quartier aisé et une paroisse située dans un quartier difficile où les violences sont fréquentes, par exemple une paroisse protestante de la classe moyenne et une paroisse catholique en milieu ouvrier dans un quartier sensible. Ce genre de jumelage n’est pas lié à une certaine zone géographique. Ces expériences ont été très utiles pour aider les gens à comprendre à quelle réalité les autres sont confrontés quotidiennement.

• Exemple des catholiques, des prespytériens et des méthodistes qui organisent un voyage pour visiter ensemble des lieux qui ont été le théatre de violences. Ils se recueillent ensemble en un lieu où quelqu’un a été assassiné dans la rue ou bien un endroit où une bombe a explosé, tuant plusieurs personnes. De tels voyages peuvent avoir lieu des mois après l’événement. Les membres du groupe sont silen-cieux, prient et laissent des fleurs, acceptant une part de la responsabilité pour ce qui est arrivé.

• Un autre but des jumelages peut être de donner l’occasion à des jeunes de faire connaissance. Si les enfants fréquentent des écoles séparées, font du sport séparément, n’ont pas de contact entre eux, s’ils n’écoutent pas la même musique, il faut bien sûr les aider à prendre contact les uns avec les autres. Mais il s’est avéré que le seul travail parmi les jeunes n’apporte pas la paix. Les jeunes retour-nent chez eux et bien trop souvent ils entendent leurs parents et amis reprendre les vieux discours sectaires.

• Récemment une Eglise ca-tholique et deux paroisses protestantes ont organisé une célébration en soirée dans un lieu public à un moment où on prévoyait des tensions. On savait que des violences risquaient d’éclater lors d’une fête célébrée par l’un des partis en conflit. Les Eglises s’assurèrent de la collaboration de personnalités en vue et attirèrent ainsi l’attention sur cette manifestation beaucoup plus réelle et constructive. Ainsi l’Eglise avait-elle mis la société environnante au défi de porter son attention sur Jésus-Christ plutôt que sur la violence.

3. Actions à l’interieur des dénominations

• Dans l’Eglise presbytérienne chaque paroisse (300 environ) a nommé un délégué à la paix. Il peut s’agir d’un homme ou d’une femme et très souvent ce sont des laïcs. Leur rôle est de mettre les questions tournant autour de la paix à l’ordre du jour dans la vie de la paroisse : activités de jeunesse, activités des femmes, vie de prière de la paroisse. Une lettre de nouvelles permet le faire connaître les idees glanées dans chaque paroisse.

• Lorsque le cessez-le-feu a été déclaré en 1994, l’Eglise presbytérienne a formulé une “vocation à la paix”. Chaque membre de l’Eglise a reçu le texte de cette “vocation” imprimé sur une carte destinée à être glissée dans sa Bible. Voici une extrait du texte : “nous affirmons que pour être artisan de paix dans notre situation en Irlande, nous devons reconnaitre la responsabilité confiée par Dieu au gouvernement et a ceux qui sont au service de la loi et de l’ordre. C’est pourquoi nous devons rejeter la violence, rechercher des moyens de faire avancer la justice et répondre aux besoins des plus démunis. Nous affirmons que pour être des artisans de paix chrétiens, il nous faut créer des programmes d’action qui contri-buent à la paix dans notre pays...” L’Eglise presbytérienne ne compte pas au nombre des Eglises de Paix traditionnelles, mais je pense que la plupart des Eglises de Paix seraient heureuses d’avoir un tel texte. Là aussi on a fait un pas en avant.

• Un autre exemple de travail pour la paix vient de l’organisme de médiation pour lequel je travaille: un cours de médiation de trois jours fait partie de la formation de tout pasteur presbytérien, méthodiste et angli-can d’Irlande du Nord. Nous essayons par cette initiation de répandre la semence de la paix parmi les jeunes pasteurs en cours de formation.

En Irlande il n’y a pas parmi les Eglises un modèle unique qui convienne a tout le monde. Il faut élaborer localement ce qui est souhaitable dans chaque situation donnée.

Enfin, même si ces modeles sont encourageants, il faut reconnaitre que les meilleurs d’entre eux ont du mal a susciter la participation de nombreuses personnes. Dans les Eglises locales, on ne trouve qu’un petit noyau de personnes interessées à la paix parceque ce qui prévaut c’est la routine (“business as usual”), l’organisation, les réunions, les célébra-tions. Le travail pour la paix est une activité supplémentaire c’est pour-quoi il est très difficile de l’inclure dans les programmes déjà surchargés. Cependant je crois que pour des chrétiens dans une situation de conflit il faut aller au delà de la routine. Si on vit comme moi dans une société divisée, il faut aller au devant de ceux qui se trouvent “de l’autre coté”. Ce n’est pas quelque-chose qui va de soi. Autant que je sache, pas une seule dénomination d’Irlande du Nord n’a engagé à ses propres frais une personne à plein temps pour travailler pour la paix et la réconciliation. Les personnes qui travaillent pour la paix que je connais sont payées par des fonds qui ne viennent pas de leur paroisse et le plus souvent pas même de leur dénomination.

Faire face à des défis enormes

Par conséquent, bien qu’on ait des raisons de se réjouir au sujet des exemples que j’ai donnés, l’Eglise doit-elle faire face à des défis énormes. Il faudrait que le travail pour la paix ne soit plus seulement une option pour ceux qui s’intéressent à “ce genre de choses”. Il faudrait que les chrétiens comprennent des vérités essentielles : en Jésus-Christ Dieu a montré que la réconciliation est sa volonté et son dessein et que construire la paix fait partie intégrante de la vie de disciple pour tous les chrétiens. C’est pourquoi une théologie de la paix et du travail pour la paix est indispensable. Je crois que nous ne faisons que commencer à saisir ces choses et à les vivre. Je crois aussi que c’est le renouvellement des Eglises qui nous libérera et nous mettra à même de travailler ainsi mais qu’inversement notre engagement sur cette voie contribuera au renouvellement de nos Eglises.

J’habite à Belfast et non à Brisbane en Australie ou aux îles Barbades; je suis un chrétien de Belfast et il faut que je découvre ce que cela signifie pour moi ici et maintenant. Il ne s’agit pas de me demander ce que cela signifie pour une autre ville. La question à laquelle je suis confronté est de savoir ce que signifie être chrétien dans mon propre contexte. Comment lire la Bible dans ce contexte ? Si la Bible dit “aimez vos ennemis”, cela ne signifie pas “aimez vos ennemis américains”, il s’agit de ceux qui habitent au bout de la rue, en face de chez moi. Voilà le défi.

Parer au plus urgent, travailler à long terme

Je crois que si les chrétiens travaillent pour la paix il faut qu’ils s’occupent de la crise la plus immédiate mais qu’ils soient en même temps attentifs au travail à long terme qui doit être accompli, lui aussi. Prenons par exemple le travail qui s’impose pour règler le problème de la violence entre les enfants à la sortie de l’école: une école catholique et une école protestante sont très proches géographiquement et à la sortie des cours les enfants se battent dans la rue. On peut convaincre les écoles de changer leurs horaires pour que les enfants ne sortent pas tous au même moment et ne se retrouvent pas dans la rue. Mais il y a d’autres solutions.

Si les chrétiens se concentrent sur le conflit qui existe entre les enfants, est-ce-que ce sera une bonne chose en soi ? Si en revanche la réflexion va plus loin, si on se demande pourquoi les écoles sont séparées -les parents, les directeurs le souhaitent ainsi-, alors on verra le travail qu’il faut accomplir pour changer la société dans laquelle les écoles sont situées. Si la ville veut des écoles séparées et si la municipalité elle-même est divisée, c’est qu’il y a plus à faire encore. Il ne faut pas se préoccuper seulement de la crise immédiate, il faut faire un travail en profondeur. C’est une bonne chose de travailler avec les jeunes pendant quelques semaines mais cela ne suffit pas. Il faut créer des programmes pour aider ces jeunes à se retrouver, à apprendre à se connaître sur plusieurs années, à avoir des échanges en dehors de l’école; il faut travailler à long terme dans un contexte plus large.

J’aimerais mentionner encore deux points en guise de conclusion :

• Travail de tranchée

J’aimerais commenter sur ce qu’un de mes collègues qualifie de “travail de tranchée”. Traditionnellement, le travail du médiateur consiste à inviter les personnes des deux camps opposés à sortir de leur “tranchée” pour le rejoindre au milieu. Mais cela ne marche pas car chacun sait que dans les guerres de tranchées l’endroit le plus dangereux se trouve précisément au milieu. L’artisan de paix chrétien doit aller dans les tranchées. Il faut qu’il ou elle comprenne les gens et construise des relations de confiance avec eux. Bien sûr lorsqu’il est dans l’une des tranchées, l’ennemi regarde depuis sa propre tranchée. L’ennemi sait que le médi-ateur est là bas et pense probablement qu’il a pris parti pour l’autre côté. Il faut donc que le médiateur sorte de la tranchée pour aller dans l’autre. Il faut qu’il soit capable de faire le chemin d’une tranchée à l’autre et de gagner la confiance des deux côtés. Il ne s’agit pas en premier lieu de transmettre des messages mais de faire connaissance avec les gens, de comprendre, de construire des relations. Les gens dans les tranchées s’intéresseront à vous en tant que médiateur parceque vous venez de l’autre côté et que “vos vêtements sont imprégnés de l’odeur des autres”. Dans cette phase il n’est pas encore possible que les protagonistes se rapprochent davantage que par l’inter-médiaire du médiateur. Ils veulent savoir comment sont les gens dans l’autre tranchée, ce qu’ils disent à leur sujet, ce que sera leur prochaine démarche .

L’artisan de paix chrétien doit être capable de faire des allées et venues autant de fois que c’est nécessaire. Ce faisant il trouvera des gens dési-reux de faire la paix dans les deux tranchées. Pas tous, mais quelques uns. Ce travail prend beaucoup de temps. Mais je ne connais pas d’autre méthode.

• Etre attentif aux besoins de la partie adverse

En Irlande du Nord, dans le passé, nous savions très bien exprimer les besoins de notre parti. Mais il faut être capable -et ce défi s’adresse particulièrement aux Eglises- d’exprimer non seulement ses propres besoins mais aussi ceux des adversaires. Si les chrétiens ne parviennent pas à faire cela, ils ne se comportent pas en disciples de Jésus-Christ.

Il y a quelques années des extrémistes protestants mettaient le feu aux églises catholiques et des extrémistes catholiques mettaient le feu aux églises protestantes. J’ai suggéré à certains responsables de paroisses qu’ils annoncent qu’en cas d’incendie perpétré sur une église de l’autre confession, ils prendraient en charge le prix des réparations. La chose n’a pas été connue du public. Mais les incendies ont cessé. Il me semble que si l’Eglise veut construire la paix, il faut qu’elle fasse des démarches de ce type : qu’elle prenne des mesures imaginatives, courageuses et parfois extravagantes.

 

Dix leçons apprises au long du processus de paix en Irlande du Nord

1. Les conflits partent des personnes et peuvent être résolus par les personnes.

2. Il faut différentes approches. Construire la paix c’est comme construire une maison, il faut faire toutes sortes de choses à la fois. Il y a différentes tâches pour lesquelles on a besoin de différentes personnes.

3. Tous les secteurs de la société doivent être impliqués : les paroisses, les entreprises, la culture, l’éducation.

4. Travaillons quand nous le pouvons. Il y aura des bons jours et des mauvais jours.

5. Soyons imaginatifs. Encourageons les gens à prendre des responsabilités. Ne sousestimons pas le rôle et la contribution des femmes.

6. Il s’agit d’un processus très très long. Il faut que les artisans de paix tiennent le coup dans la durée.

7. Il faut demander conseil et avis en dehors de son propre contexte. D’autres conflits sont souvent plus difficiles que celui auquel nous sommes confrontés.

8. Prenons des risques pour la paix.

9. On ne travaille pas pour la paix sans se salir les mains, sans incertitudes, sans le sentiment de ne jamais avoir fini.

10. Prions, prenons du temps pour le silence, l’adoraton et la réflexion. Nous ne sommes pas tenus de faire l’impossible.

“Je rêve que, dans 20 ans d’ici peut-être, j’aurai un petit-fils ou une petite-fille, que je l’emmènerai au parlement pour y écouter les débats et que ceux-ci ne tourneront pas autour de questions de drapeau, de langue et de territoire mais qu’on y parlera d’éducation, de santé et d’environnement.”

***

Pardon

Seigneur notre Dieu, toi le Miséricordieux, tu as voulu la diversité des peuples et des cultures; en croyant servir la foi et la vérité, nous avons con-senti au cours des siècles à l’intolérance et à la violence en imposant notre manière de croire et d’exprimer la foi. Nous invoquons ton pardon pour toutes les blessures que nous avons infligées au cours des Croisades, des guerres de religion, de la colonisation... Nous avons porté offense à la dignité de la personne humaine, des ethnies et des peuples méprisant leur culture et leurs traditions religieuses, consentant à l’esclavage des peuples noirs et démen-tant ainsi le grand commandement de l’amour.

Seigneur, fais de moi l’instrument de Ta paix.

Quand domine la haine, que nous annoncions l’amour.

Quand blesse l’offense, que nous offrions le pardon.

Là où sévit la discorde, que nous bâtissions la paix.

Lorsque s’installe l’erreur, que nous proclamions la vérité.

Quand paralyse le doute, que nous réveillions la foi.

Lorsque pèse la détresse, que nous ranimions l’espérance.

Là où s’épaississent les ténèbres, que nous apportions la lumière.

Et si règne la tristesse, que nous libérions la joie.

Seigneur,

fais que je cherche plutôt à réconforter qu’à être réconforté ;

à comprendre qu’à être compris ;

à aimer qu’à être aimé ;

car c’est en s’oubliant soi-même que l’on trouve,

en pardonnant qu’on est pardonné,

en mourant que l’on s’éveille à l’éternelle vie.

(Prière dite « de Saint François »,

publiée dans les Cahiers de la Réconciliation n° 1/2 - 2000)

 

Pour que la paix s’étende sur le monde, pour que l’Eglise grandisse et que tous les chrétiens retrouvent l’unité, prions le Seigneur.

***

Réconciliation et justice en ex-Yougoslavie : perspectives d’avenir

Zvonimir Vojtulek

"Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu !" (Matt 5:9)

Que devraient faire les chrétiens pour entamer un dialogue sur la réconciliation et la justice dans les pays d’ex-Yougoslavie ? Quelles sont leurs perspectives d'avenir ?

Les trois communautés religieuses en Bosnie-Herzégovine, Croatie et Serbie ont commis des crimes pendant et après la guerre, pas seulement pour défendre leur pays, mais aussi pour défendre leur foi. Mais peu de responsables religieux ont accepté de reconnaître que leur propre communauté a trop peu fait, a été trop prudente, ou peut-être même a contribué à attiser les passions nationalistes qui ont conduit à commettre des crimes contre leurs voisins.

Nous savons tous que le péché collectif n'existe pas; tous les péchés sont personnels ! La guerre en ex-Yougoslavie était bien plus religieuse dans sa nature que les responsables religieux ne veulent l'admettre. Je crois que s’ils ne donnent pas l'exemple pour exprimer leur repentance pour les crimes commis par leurs propres communautés religieuses, le cycle de la violence et de la vengeance va tout simplement continuer !

Comment pouvons-nous travailler pour la paix et la réconciliation ?

Il nous faut tout d'abord reconnaître que la vraie réconciliation ne peut avoir lieu sans confrontation avec l'injustice et l'oppression ! Comme nous le savons tous d’expérience, lorsque se produit une blessure profonde dans une relation, la réconciliation a un prix élevé. Quand nous pardonnons, nous "portons" d'une certaine manière la culpabilité de celui à qui nous pardonnons. La croix nous montre que la réconciliation a coûté cher à Dieu. Ce n'est pas parce que Dieu demande à quelqu'un d'autre de payer pour le mal qui a été fait; au contraire, Dieu offre la ré-conciliation par le Christ, et paye ainsi lui-même le prix de notre refus. Bien plus, le Christ ne va pas à la croix comme une victime, contre sa volonté, mais en communion profonde avec son Père, il s'offre lui-même totalement pour réconcilier le monde.

En même temps nous devons veiller à ne pas préconiser une réconciliation "à bon marché" ! Il ne peut y avoir réconciliation sans justice et sans que l'injustice ethnique actuelle due aux nationalismes de Bosnie-Herzégovine, de Croatie et de Serbie ne soit nommée par son nom ! Les théologiens qui avaient formulé le document Kairos en Afrique du Sud ont eu raison de critiquer une réconciliation à bon marché, car la réconciliation véritable ne peut se faire sans justice pour les opprimés.

Trois fondements pour la paix

• Se tenir aux côtés des opprimés

Il se peut que l'un des grands problèmes qui se pose à l'Eglise soit de savoir comment aider à construire une nouvelle nation, sans prôner un nationalisme destructeur ou sans se taire face à toute forme de discrimination, de corruption ou de tyrannie. Tous les responsables religieux et les membres des communautés religieuses doivent se tenir aux côtés de tous les opprimés (réfugiés empêchés de retourner chez eux, personnes ayant perdu leur emploi à cause d'une discrimination religieuse etc.) et les accompagner dans leur lutte interminable pour la justice, la dignité humaine et la libération. L'Eglise doit s'engager et participer à la mise en place d'un nouvel ordre économique capable de remédier à l'héritage économique injuste laissé par les chefs politiques des pays d'ex-Yougo-slavie.

• Défendre les droits humains.

Le second fondement est la défense des droits humains pour tous, en particulier pour les groupes culturels et religieux minoritaires. Même si des "chrétiens radicaux" s'opposent à des "chrétiens réactionnaires" dans l'Eglise et dans la société, toute personne a le droit d'exister, de se grouper, et de s'exprimer dans une société démocratique, à moins qu’elle n’agisse de façon illégale et destructive du point de vue social.

• Avoir un regard critique sur ses propres actions

Le troisième fondement du témoignage prophétique et d'une solidarité critique de l'Eglise est un regard critique sur ses propres idées et agis-sements. Le message du prophète doit toujours s'appliquer d'abord et surtout à sa propre communauté de foi, s'il veut garder son authenticité. C'est dans sa propre Eglise qu'il lui faut commencer à mettre le doigt sur le mal !

Il me semble qu’en Bosnie-Herzégovine, et certainement dans tous les pays d’ex-Yougoslavie, nous devons faire face au passé et réparer les violations flagrantes des droits humains qui ont été perpétrées au nom de la libération, du nationalisme et de la religion. Il devient de plus en plus évident que la réconciliation ne sera pas durable, sans que soit reconnue la réalité des faits passés et sans que soit réglé ce passé en vue de la guérison des peuples.

Passé et avenir

A cause de cela, je suis convaincu que les pays d’ex-Yougoslavie ont besoin d'une commission comme la commission sud-africaine Vérité et Réconciliation, qui pose les questions de vérité, de réconciliation et de paix, et qui s'intéresse au passé, au présent et à l’avenir.

Tant que le passé n'est pas correctement et complètement règlé, il peut remonter à la surface et peser sur l'avenir. Car si l’on veut mettre en place une culture respectant les droits humains et la loi, les crimes commis ne doivent pas être passés sous silence. Ces crimes doivent être révèlés pour éviter que le passé ne se reproduise, et ce qui est plus important, pour aider les victimes à reconstruire leur vie.

Mon expérience dans mon travail en Bosnie-Herzégovine est qu'en général, les victimes n'expriment aucun désir de vengeance. Elles veulent que la vérité soit mise à jour pour que le pardon prenne tout son sens et, si possible, obtenir réparation. Ainsi, même si ce rappel du passé peut coûter cher, il coûte encore plus cher de ne pas l'évoquer.

Repentance et pardon

La compréhension chrétienne de la repentance, du pardon et des réparations est d'une importance capitale pour conduire à la prise de conscience nationale de ce qui est nécessaire pour guérir le pays, vivre une véritable réconciliation et poser les fondements d' une culture con-sciente et démocratique. Les Eglises et les communautés religieuses ont un rôle pastoral indispensable, un rôle qui pourrait être décisif, si elles parvenaient à garantir que le travail de la commission Vérité et Réconciliation atteigne son objectif de guérir la nation. Les Eglises ont un ministère auprès des criminels, pour les rendre capables de confesser leurs agissements et de les aider à devenir des citoyens moralement responsables.

Les Eglises ont aussi une responsabilité spéciale auprès des victimes, pour les aider à dire leur histoire et ainsi travailler sur leurs blessures et leur colère. La guérison de la honte et des souvenirs personnels et collectifs est difficile, mais fondamentale, pour la reconstruction de tous les pays de l'ex-Yougo-slavie, c'est aussi le coeur même de l'Evangile.

Dans le Nouveau Testament, les deux mots les plus utilisés pour le pardon sont charidzomai, un acte de grâce, et aphesis, libération ou remise d'une dette ou d'une obligation. Ces deux mots sont utilisés pour décrire le rétablissement d'une relation et la restau-ration de la communauté, ce qui est au coeur du pardon dans le Nouveau Testament. Le pardon n'est pas un acte privé en vue de la guérison ou du salut du pécheur, mais un acte dont le but est de gagner l'autre (voir Matt 18/15).

La nouvelle vision du pardon qui nous a été donnée suit un modèle qui n’est ni vertical ni horizontal, mais initie plutôt un processus circulaire de pardon reçu et donné. Il est circulaire parce que c’est dans le cercle autour de la croix -symbole du Dieu qui pardonne, incarné dans la douleur et la souffrance humaine- que nous donnons et nous recevons le pardon.

Pardon, paix, réconciliation, vérité: ces mots devraient être au coeur de l'avenir pour les pays d'ex-Yougoslavie. Les chrétiens de ces pays doivent se libérer d'un nationalisme raciste et des mensonges du passé et travail-ler à un avenir ou règne la justice, avec l'aide du Prince de la Paix !

Traduction de l’anglais : Louise Nussbaumer

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Service

Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Car celui qui s’élève sera abaissé; et celui qui s’abaisse lui-même sera élevé. Matt 23/12

Que le Dieu de la paix nous rende aptes à tout ce qui est bien pour faire sa volonté; qu’il réalise en nous ce qui lui est agréable, par Jésus-Christ, à qui soit la gloire dans les siècles des siècles.

Seigneur Jésus-Christ, lumière qui brille dans notre obscurité, prends pitié de nos cœurs fatigués et remplis de doutes. Renouvelle en nous le courage dont nous avons besoin pour accomplir l'œuvre que tu as commencée en nous.

 

Là ou l’ignorance et l’indifférence ont déchiré la vie communautaire, donne ta lumière, ô Dieu d’amour.

Là où l’injustice et l’oppression ont brisé le ourage des peuples,

donne ta lumière, ô Dieu qui libère.

Là où la méfiance et la haine, les luttes et la guerre ont remis en question ta bonté, donne ta lumière, ô Dieu de paix.

Eternel Dieu, ouvre les yeux des nations et des peuples, afin qu’ils marchent à la lumière de ton amour;

libère les nations et les peuples de l’ignorance et de l’entêtement, afin qu’ils s’abreuvent aux sources de ta bonté.

que le Dieu de l’espérance nous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi, pour que nous abondions en espérance par la puissance du Saint-Esprit.

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Présentation des participants

MARIJANA AJZENKOL est secrétaire générale du Centre Inter-religieux de Belgrade. Ce centre cherche à développer les relations entre les respon-sables d’Eglises de différentes confessions. Marijana est catholique.

MIRCO ANDREEV est pasteur de l’Eglise évangélique (pentecôtiste) de Skopje. Il travaille depuis 1990 pour l’organisation d’entraide “Agape” qui vient en aide aux personnes démunies au Kosovo et en Macédoine.

ANTHEA BETHGE est conseillère auprès de groupes et d’institutions qui soutiennent des actions pour réduire la violence. Elle est membre de l’E-glise protestante rhénane et participe à plusieurs projets d’éducation à la non-violence et pour la paix en Croatie et en Bosnie.

ALEKSANDAR BIRVIS est pasteur baptiste et professeur retraité de la Faculté de Théologie Evangélique (ETF) d’Osijek et du séminaire ortho-doxe de Belgrade. Il est président de l’Eglise baptiste de Yougoslavie et doyen de la Faculté de Théologie Evangélique de Novi Sad. Il est aussi aumônier de l’organisation humanitaire “Bread of Life” et fondateur de l’Association Yougoslave pour la Liberté Religieuse.

DUSKA BOROVAC-KNABE est formatrice à la non-violence et organise des séminaires destinés à toute personne engagée dans le service pour la paix dans les Balkans. Elle a travaillé avec le Comité Mennonite Allemand pour la Paix (DMFK), les Equipes de paix des Balkans (Balkan Peace Teams), l’Association pour l’Aide au Développement (Arbeits-gemeinschaft für Entwicklungshilfe) Pax Christi-Section allemande à Zenica, en Bosnie-Herzégovine, et pour le Forum Service Civil (Forum Ziviler Friedensdienst). Duska est baptiste.

JOE CAMPBELL travaille pour le Réseau de Médiation pour l’Irlande du Nord (Mediation Network for Northern Ireland) dont le siège est à Belfast. Le Réseau de Médiation est impliqué dans de nombreuses initiatives en faveur de la paix en Irlande du Nord : travail avec les hommes politiques, les organisations communautaires et publiques, la police et les paroisses. La médiation en Irlande du Nord est pratiquée par cet or-ganisme à la fois comme méthode d’intervention dans les conflits, comme instrument de changement social et comme style de vie pour chaque citoyen. Joe est membre de l’Eglise presbytérienne.

HANS JAKOB GALLE est engagé dans le travail pour la Paix depuis le premier Rassemblement Européen des Eglises de Paix organisé par Church & Peace en 1986. A la suite de cette rencontre il s’est joint au groupe de travail pour la paix de l’assemblée mennonite du Weierhof dont il est membre. Il est également membre du conseil du DMFK. Dans le cadre du travail de ce comité, Hans Jakob a fait plusieurs voyages dans les Balkans depuis 1993 pour venir en aide aux victimes de la guerre en Croatie et en Bosnie.

SYLVIE GUDIN POUPAERT est la coordinatrice de la région francophone de Church & Peace depuis 1996. Elle travaille également avec la Conférence Mennonite Mondiale en tant que journaliste et traductrice. Elle a travaillé avec l’œuvre d’entraide des mennonites nord-américains (Mennonite Central Committee-MCC) aux Etats-Unis et à Strasbourg dans le domaine de la paix et des relations inter-Eglises. Sylvie est mennonite.

JANKO JEKIC est co-fondateur et membre du conseil de l‘association humanitaire chrétienne “Bread of Life”. Depuis 1992, Bread of Life porte secours aux réfugiés de Croatie, de Bosnie Herzégovine et du Kosovo. Janko réside actuellement en Allemagne et est engagé dans le travail de soutien aux personnes retournant en Croatie. Il espère ainsi contribuer au rétablissement des relations entre Serbes et Croates dans cette région. Janko est originaire de Belgrade et est baptiste.

SOEUR IRMTRAUD KAMPFFMEYER est luthérienne, membre de la Communauté de Grandchamp, communauté œcuménique de sœurs issues des Eglises de la Réforme, de cultures et de pays différents. La communauté mène une vie contemplative, inspirée par la tradition monastique, mettant l’accent sur l’hospitalité, la présence au monde et le travail pour la justice, la paix et la sauvegarde de la création. Par la prière et l’ac-cueil, la communauté soutient plusieurs personnes qui ont voué leur vie au service de la paix. Pour les soeurs de Grandchamp, le travail de réconciliation entre elles, mais aussi intérieur, est porteur d’un rayonnement qui s’étend bien au delà de la communauté.

HARKY KLINEFELTER est formateur au méthodes de la non-violence en Bosnie, Croatie et aux Pays-Bas. Il a travaillé en étroite collaboration avec Martin Luther King dans le cadre de la Conférence des Responsables Chrétiens des états du Sud (Southern Christian Leadership Conference - SCLC) avant de venir aux Pays - Bas où il habite depuis 1972. Il a été pasteur de l’assemblée mennonite de Zeist pendant 5 ans et était l’un des consultants de l’Equipe de Paix des Balkans (Balkan Peace Team) jusqu’à la cessation du travail de celle-ci en janvier 2001.

WOLFGANG KRAUSS est membre de la communauté familiale de Bammental (Hausgemeinschaft Bammental) et travaille pour le DMFK. Entre 1992 et 1999, le DMFK a organisé des camps de travail pour la paix et la reconstruction en Bosnie Herzégovine et travaillé avec les réfugiés et les personnes déplacées en Bosnie et en Croatie. Aujourd’hui le DMFK reste en contact avec des églises dans la région des Balkans et y suit plusieurs chantiers de reconstruction.

MERITA KULI est agent de liaison pour les Services de Secours Catholiques (Catholic Relief Services-CRS) de Caritas à Skopje. Le CRS est l’œuvre d’entraide et de développement officielle de l’Eglise catholique aux Etats-Unis. Ses membres viennent au secours des personnes dans le besoin quelle que soit leur origine ethnique ou religieuse. Leur mission est de favoriser le dialogue entre les membres de groupes d’origine religieuse ou ethnique différente en soutenant des actions d’éducation civique et de développement économique. Ils aident aussi les organisations non-gou-vernementales locales. En l’an 2000, le CRS a mis en route un nouveau programme intitulé “justice et paix”pour encourager la coopération inter-religieuse et inter-ethnique et examiner les possibilités d’organisation de formations à la résolution non violente des conflits.

VESNA LIERMANN travaille au Centre pour la Paix, la Non-violence et les Droits Humains à Osijek. Le Centre a mis en place un projet intitulé “coopération inter-religieuse pour la construction de la paix” destiné aux chrétiens et aux paroisses. Les activités sont très diverses : formation à la résolution non-violente des conflits, ateliers pour les femmes sur le thème de la non-violence évangélique, prière pour la paix, rencontres sur des sujets liés à la paix dans les différentes traditions ecclésiales, concerts de musique sacrée dans le cadre du traditionnel “festival de la culture et de la paix” de Croatie.

GORDON MATTHEWS est membre de l’Assemblée Annuelle Allemande de la Société Religieuse des Amis (Quakers), et de son groupe de paix, où il est particulièrement engagé dans la Décennie pour Vaincre la Violence. Il est aussi engagé dans les Services oecuméniques (Oekumenischer Dienst im Konziliaren Prozess) et dans la branche allemande du Mouvement International de la Réconciliation. Il est membre de la communauté oecuménique du Laurentiuskonvent, à Laufdorf. Il s’est rendu récemment en Bosnie, Yougoslavie et Croatie au nom de l’œuvre d’en-traide des Quakers allemands et autrichiens (Quäker Hilfe) pour rendre visite aux projets de cet organisme.

ROEL MEIHUIZEN est mennonite et président du groupe de travail mennonite néerlandais sur l’ex-Yougoslavie. Ce groupe, constitué par les comités mennonites néerlandais pour la paix, l’entraide et la mission, travaille dans les Balkans depuis 10 ans, y assurant essentiellement un service humanitaire. Il collabore avec l’organisme “Mi ZA Mir”, une asso-ciation de Yougoslaves en exil, avec l’œuvre de secours mennonite allemande (Mennonitisches Hilfswerk Deutschland) et récemment, avec Bread of Life, en particulier à Prijedor en Bosnie.

BUKURIJE NICQI est pasteur de l’Eglise évangélique non-dénomination-nelle “Bashkesia E Jezusit” (Communauté de Jésus) de Peja, au Kosovo. Cette église a été établie il y a 7 ans, elle tient un dispensaire assurant des soins gratuits et un orphelinat, et donne aussi des cours d’anglais. Ses membres démarrent une station de radio chrétienne et une nouvelle église dans une ville proche. Leur travail pour la paix est fondé sur le partage de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

STOJADIN PAVLOVIC est prêtre de l’Eglise orthodoxe et membre du bureau du Centre Inter-religieux de Belgrade.

STOJAN PETROVSKI est pasteur de l’Eglise évangélique de Kumanovo et secrétaire de l‘Eglise Evangélique Pentecôtiste de Macédoine. Il participe au travail d’aide humanitaire auprès de personnes de toute origine ethnique.

MANDA PRIESING dirige l’organisation “Ravangrad” depuis 1996. Elle travaille avec des enfants, des jeunes et des adultes à la reconstruction sociale et au rétablissement de la paix par des ateliers, des projets sociaux et humanitaires. Elle organise aussi des rencontres pour traiter des relations inter-ethniques, de la libération, de la culpabilité, et de la responsabilité concernant les événements passés. En 1992, avec l’aide de membres de sa famille et d’amis, Manda a fondé le groupe de paix de Sombor (Somborska mirovna grupa) qui facilite la communication entre les personnes séparées pas la guerre, et organise des séminaires de réso-lution non-violente des conflits pour des groupes locaux, régionaux ou nationaux.

MARIE-NOËLLE VON DER RECKE est actuellement secrétaire générale de Church & Peace après en avoir été la présidente pendant 6 ans. Ancienne enseignante à l’Ecole Biblique Mennonite Européenne du Bienenberg en Suisse, elle est membre de la communauté oecuménique du Laurentiuskonvent à Laufdorf en Allemagne.

OLAF RUHL est pasteur de l’Eglise Protestante de Rhénanie en Allemagne. Il est membre associé de la communauté d’Iona. Il a assuré la traduction vers l’allemand pendant le séminaire.

BRANKA SRNEC et d’autres baptistes ont fondé l’association “TABITA” en 1992. Cette association apporte un soutien spirituel, psychologique et matériel à des réfugiés. Au delà de l’aide humanitaire, TABITA cherche à fortifier chez les individus et les familles la volonté de survivre, de s’intégrer, de faire face au passé et d’envisager l’avenir.

GUDRUN TAPPE-FREITAG est membre du groupe de paix baptiste “Initiative Schalom”. Lors de son premier voyage dans les Balkans en 1992, elle s’est rendue au Centre pour la Paix, la Non-violence et les Droits humains d’Osijek, envoyée par l’organisme “Oekumenischer Dienst im Konziliaren Prozess”. Depuis, elle a multiplié les contacts dans différents pays de la région des Balkans. Gudrun a travaillé pendant un an à Novi Sad en collaboration avec TABITA en 1997.

JASMINA TOSIC est co-directrice de l’association “Bread of Life” à Belgrade et membre de l’Eglise baptiste. Bread of Life est confronté à un nouveau défi : passer de l’aide humanitaire d’urgence assurant simple-ment la survie, à la mise en route de projets de développement à plus long terme permettant de reconstruire les vies et de préparer l’avenir.

TOM VINCENT travaille pour le CRS en Macédoine. Dans le contexte actuel de crise, les Services de Secours apportent une aide humanitaire aux personnes déplacées et recherchent des projets de développement communautaire à long terme pour les soutenir. Tom est originaire des Etats-Unis et a travaillé dans l’aide au développement en Inde avant de venir dans la région des Balkans.

ZVONIMIR VOJTULEK est pasteur méthodiste, engagé dans le travail pour la paix et la réconciliation. Il participe à l’implantation d’églises en Bosnie Herzégovine et fait du travail humanitaire. Au plus fort de la guerre (il habitait alors la Norvège) il a organisé 34 transports de biens de première nécessité pour Mostar, et les a lui-même acheminés.

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Church and Peace tient à remercier tous les donateurs individuels et les institutions qui ont rendu ce séminaire possible par leur soutien financier :

• Aktionsgemeinschaft Dienste für den Frieden

• Deutsches Mennonitisches Friedenskomitee

• Groupe de travail mennonite hollandais pour l’ex-Yougoslavie

• Evangelische Kirche in Deutschland

• Evangelische Kirche im Rheinland

• Historic Peace Churches/Fellowship of Reconciliation Consultative

Committee

• Initiative Schalom

• Mennonite Central Committee Europe

• Fondation Stuw-Kracht-10

• Stiftung die Schwelle